Journal d'écoute / Listening Diary
2011-03-25
JASON KAHN / Beautiful Ghost Wave (Herbal International)
Une pièce solo étonnante de la part de Jason Kahn. Il s’agit d’une construction studio à partir d’enregistrements faits à l’aide de synthé analogique, console de mixage, micros contact, radio ondes-courtes et bobines magnétiques. Aussi bruitiste qu’à son habitude, mais beaucoup plus bruyante que ses travaux d’improvisation et beaucoup moins formaliste que ses travaux de composition (comme Vanishing Point). On sent même une pointe de théâtralité dans le flot de la pièce, assez prenante. Dans le genre “orchestration de sons bruitistes”, c’est très réussi. Kahn, toujours si mesuré, fait preuve ici d’une spontanéité rare (ou du moins donne cette impression).
A surprising solo piece from Jason Kahn. This is a studio construct from recordings made using analog synth, mixing board, contact mikes, shortwave radio and magnetic coils. As noise-based as usual, but quite noisier than his free improvisation outings and a lot less formalist than his composition work (like Vanishing Point). He even dabs in drama with how the piece flows - quite gripping. In terms of “orchestration of noise sounds”, this works out really well. The always poised Kahn here displays a new level of spontaneity (or at least gives this impression).
MORTON FELDMAN / Triadic Memories [2010 Version] (Sub Rosa - merci à/thanks to Forced Exposure)
Début des années 90, le pianiste Jean-Luc Fafchamps endisque les “Triadic Memories” de Morton Feldman pour Sub Rosa. Peu après, l’éditeur de Feldman publie une version corrigée de la partition qui rétablit le nombre de fois que chaque barres de répétitions doit être répétée (jusqu’à 11 fois, il s’avère). 2010, Fafchamps, à l’invitation de Sub Rosa, rectifie le tir. Je n’ai pas entendu la première version, mais celle-ci m’a charmé. Une longue pièce (74 minutes) faites de phrases délicates, minimales, à travers lesquelles s’insèrent de nombreuses répétitions qui cassent le rythme. Méditatif à souhait. Et Fafchamps rends la partition avec beaucoup d’humanité (la froideur et le détachement sont si vite arrivés chez les interprètes de Feldman). J’ai peu connecté à ce jour avec l’univers de Feldman, mais là, oui.
Early ‘90s, pianist Jean-Luc Fafchamps records Morton Feldman’s “Triadic Memories” for the Sub Rosa label. Shortly after, Feldman’s publisher gets out a revised version of the score, reestablishing the number of times each repeat bar is to be repeated (up to 11 times, as it turns out). 2010, Sub Rosa invites Fafchamps to re-record the piece. I haven’t heard the first version, but this one charmed me to the bone. A long piece (74 minutes) made of delicate minimal phrases among which are inserted several repeats that chop up the rhythm of the piece. Meditative, of course. And Fafchamps’ interpretation is very human and humane - no sign of the coldness and detachment one often gets from Feldman performers. I have rarely connected with Feldman’s soundworld before, but this time I did.
Merveilleux et génial. Simplement. Thanasis Kaproulias propose ici deux longues compositions électroacoustiques. “Srebrenica” est une rêverie mélancolique dominée par un signal en morse qui sert de leitmotiv - un fragment d’humanité à travers un paysage sonore assez dévasté. “Aircraft Noises” est un drone terrible, grondant et menaçant, où les voix préenregistrés des agents de bord n’arrivent pas à concurrencer le vrombissement des moteurs. Ces deux pièces présentent beaucoup de minutieux détails et un sens de la composition qui m’épate, franchement. Une écoute fantastique - un des grands disques de 2011. [Ci-dessous: Deux extraits à écouter sur cette page.]
Beautiful and brilliant. Simply. Thanasis Kaproulias (going as Novi_Sad) presents two extended electroacoustic compositions. “Srebrenica” is a melancholy reverie dominated by a Morse signal that serves as a leitmotiv - a fragment of humanity across a devastated soundscape. “Aircraft Noises” is a terrible growling threatening drone where the prerecorded voices of stewards and stewardesses fail to compete with the rumble of the engines. These two pieces feature a high level of minutia and an artistry in composition that leaves me speechless. A fantastic listen - one of the best records of 2011 so far. [Below: Listen to two excerpts on this page.]
VAN DER GRAAF GENERATOR / A Grounding in Numbers (Esoteric)
J’en suis à ma troisième écoute et suis prêt à faire rapport (les deux premières ont eu lieu en voiture hier). VDGG viennnent de publier leur meilleur album depuis Still Life en 1976. Point. Allez-y, contredisez-moi, je m’en moque: c’est vrai. Voici un groupe qui n’hésite pas à se transformer, à aller de l’avant. Si Present était l’album de la réunion et Trisector celui de l’établissement de la formule en trio, A Grounding in Numbers marque l’arrivée d’un nouveau son. À 13 pièces (11 chansons et deux instrumentales) en 45 minutes, ce disque offre le matériel le plus court de VDGG. Perd-t-on au change? Non. Des idées plus centrées, des riffs qui torchent, un disque qui bouge plus que Trisector, et un mixage beaucoup plus net (merci, Hugh Padgham). Mais surtout, un disque multi-couches, puisque les chansons, toutes indépendantes, semblent parfois se rapprocher, pourraient être interprétées à la limite comme une suite, ce qui apporte aux paroles de Peter Hammill une pluralité accrue de sens. Bref, tous les signes d’un grand crû de VDGG. J’espère entendre en concert “Bunsho”, “Mr. Sands” et “Snake Oil”. “All Over the Place” aussi. “Highly Strung” aussi. Et la splendide ballade “Your Time Starts Now” qui, contre toute attente, OUVRE cet album - seul moment d’introspection musicale. Bravo. [Ci-dessous: “Mr. Sands”]
I am at my third listen, and ready to report (the first two took place on a car trip last night). VDGG just released their best album since 1976’s Still Life. Period. Go ahead, contradict me if you want, I don’t care, I know I’m right. :-) Here is a band who doesn’t hesitate to transform and move forward. If Present was the reunion album and Trisector the album that established the trio line-up, A Grounding in Numbers marks the beginning of a new sound. With 13 tracks (11 songs and 2 instrumentals) in 45 minutes, this album presents VDGG’s shortest material. Is it a bad thing? No. More tightly-focused ideas, scorching riffs, this record shakes more than Trisector and boasts a much better mix (thanks, Hugh Padgham). Most of all, this is a multi-layered album, since the tracks, though all independent, occasionally seem to close in on the suite format, which brings extra plurality of meaning to Peter Hammill’s lyrics. In short, this work bears all the signs of a great VDGG vintage. I hope I get to hear live performances of “Bunsho”, “Mr. Sands” and “Snake Oil”, “All Over the place” too. “Highly Strung” too. And the beautiful ballad “Your Time Starts Now” which, against all expectations, OPENS the album - the only moment of musical introspection. Bravo. [Below: “Mr. Sands”]
PETER HAMMILL / Roaring Forties (Fie! Records)
Tant qu’à commander le nouveau VDGG, j’en ai profité pour me procurer la version remasterisée (2009) de ce disque remontant à 1994 - un effort solide d’une décennie en dents de scie pour Peter Hammill. Un disque rock - son dernier, à ce titre - et où la raideur du batteur Manny Elias ne m’embête pas (contrairement à The Noise). “The Gift of Fire” demeure une solide chanson et “A Headlong Stretch”, si elle est loin de l’intensité de “Flight”, fait tout de même une respectable suite épique.
As long as I was ordering the new VDGG, I also added the 2009 remaster of 1994’s Roaring Forties - a strong effort from a sawtooth decade for Mr. Hammill. A rock record - his last as such - where I don’t mind drummer Manny Elias’ stiffness (unlike on The Noise). “The Gift of Fire” remains a strong song and “A Headlong Stretch” a worthy epic, even though it falls short of the intensity of “Flight”.