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2014-08-15

2014-08-14: Rodrigo Amado Motion Trio/Evans x2, Rodrigo Amado, Copernicus, The Sours, Knifeworld

Journal d'écoute / Listening Diary 
2014-08-14

RODRIGO AMADO MOTION TRIO & PETER EVANS / The Freedom Principle (NoBusiness)
Le saxophoniste portugais Rodrigo Amado – un souffleur redoutable de la trempe d’Ivo Perelman – avec son trio (Miguel Mira au violoncelle et Gabriel Ferrandini à la batterie) et le trompettiste Peter Evans (on l’a vu avec le septet d’Evan Parker au FIMAV 2014), dans une session studio délectable. La pièce titre, 27 minutes, devient lassante à force de foncer constamment pédale au plancher, mais les deux pièces suivantes font preuve de plus de finesse et d’écoute – la finale de “Pepper Packed” est splendide. Publié sur CD. [Ci-dessous: un extrait de “The Freedom Principle”.]
Portuguese tenor sax player Rodrigo Amado – a powerful blower akin to Ivo Perelman – with his trio (Miguel Mira on cello and Gabriel Ferrandini on drums), plus rising star Peter Evens on trumpet (I saw him in Evan Parker’s septet at FIMAV 2014), in a delectable studio session. The 27-minute title track gets a bit tiresome since it’s pedal-to-the-metal throughout, but the other two improvisations display much more finesse et listening skills. The finale of “Pepper Packed” is just plain gorgeous. Released as a CD. [Below: An excerpt from “The Freedom Principle.]

RODRIGO AMADO MOTION TRIO & PETER EVANS / Live in Lisbon (NoBusiness)
Enregistré deux jours avant la session studio The Freedom Principle, Live in Lisbon est paru simultanément, mais en édition limitée sur vinyle. Qualité sonore légèrement inférieure, mais deux bonnes improvisations, moins implacables que la pièce titre du disque précédent. Pas essentiel, mais un bon complément.
Recorded two days prior to the studio session The Freedom Principle, Live in Lisbon was released simultaneously as a limited-edition LP. Sound quality is slightly inferior, but the album features two strong improvisations, less no-holds-barred than the title track from The Freedom Principle. This is not an essential release, but it makes a fine and enjoyable complement to the CD.

RODRIGO AMADO / Wire Quartet (Clean Feed)
La troisième et dernière parution récente de Rodrigo Amado présente un nouveau quatuor portuguais composé de Manuel Mota à la guitare, Hernani Faustino à la contrebasse et le batteur Gabriel Ferrandini. J’ai rarement entendu Mota en mode aussi maniaque: vitesse, techniques d’étouffement, jeu saccadé – on est plus proche de René Lussier ou Eugene Chadbourne que des projets microsoniques pour lesquels je le connaissais. Rafraîchissant. Le jeu fluide de Faustino est toujours aussi emballant. Et Amado est en grande forme. Un disque bien dosé dans l’intensité.
The third and final recent release from Rodrigo Amado features his new Portuguese quartet: Manuel Mota on guitar, Hernani Faustino on doublebass, and Gabriel Ferrandini on drums. I have rarely heard Mota in such a manic mode: speed, damping techniques, jagged playing – he sounds closer to René Lussier or Eugene Chadbourne than to the microsonic projects I used to know him for. Refreshing. Faustino’s fluid playing is as thrilling as ever. And Amado is in great shape. Intensity in sensible doses.

COPERNICUS / Immediate Eternity II (Nevermore – merci à/thanks to Moonjune)
En 2001, Copernicus enregistre Immediate Eternity en Équateur, en deux versions: anglaise et espagnole. En 2003, le groupe fait une tournée puis réenregistre le même matériel, cette fois en français, ce qui donne L’Éternité immédiate II. L’an dernier, cette version française a été rééditée sous le titre L’Éternité immédiate. Aujourd’hui, Nevermore publie Immediate Reality II comme un nouveau titre, puisque la nouvelle bande sonore n’avait pas été entendue auparavant avec les paroles anglaises. Ouf. Je maintiens ce que j’avais dit l’an dernier: le français de Copernicus est atroce. Ce disque est donc nettement meilleur en anglais. En fait, c’est un des meilleurs de Copernicus: musique souvent lourde et mordante, prestation vocale angoissante, textes percutants.
In 2001, Copernicus recorded Immediate Eternity in Ecuador in two versions: English and Spanish. In 2003, after a tour, the same band rerecorded the same material in French. This became L’Éternité immédiate II. Last year, this French version got reiisued under the title L’Éternité immédiate. Today, Nevermore releases Immediate Reality II as a new title: it has the music of the 2003 recording with English lyrics recorded at the same time. Since the French translation was near atrocious, it’s a good thing that the English version is now available, for this is one of Copernicus’s best albums. The music is often heavy and biting, the vocal delivery haunting and the lyrics striking.

THE SOURS / The Sours (Moonjune)
The Sours est un duo chant/guitare: Sarah Schrift et Sasha Markovic. Une pianiste s’ajoute sur deux des onze chansons de ce disque de 35 minutes. Folk tendre et rêveuse portée par des guitares multipistées et la voix feutrée de Schrift, dont l’habillage (lire: la réverbération) change d’une chanson (voire d’un couplet) à l’autre. Il y aurait des parallèles à tisser avec Ember Schrag et Aisha Burns, deux auteures-compositrices-interprétées dont j’ai chanté les louanges par le passé. The Sours n’atteignent pas de tels sommets, mais ils sont sur une bonne lancée. Un choix inusité mais judicieux pour l’étiquette Moonjune. [Ci-dessous: “Everwas”.]
The Sours are a vocals/guitar duo: Sarah Schrift and Sasha Markovic. A pianist appears on two of this album’s eleven songs. Tender and dreamy folk music carried by multitracked guitars and Schrift’s velvety voice, dressed up with reverb that changes from song to song, even from verse to verse at times. There are similarities in writing and execution with Ember Schrag and Aisha Burns, two songstresses I have celebrated here and on the air. The Sours don’t reach heights that high, but they’re climbing. An odd but well-advised choice for the Moonjune label. [Below: “Everwas.”]

KNIFEWORLD / The Unravelling (InsideOut)
Je n’avais pas été impressionné à ce jour par Knifeworld – un groupe du guitariste Kavus Torabi (de Guapo). Or, ce tout nouvel opus est tout simplement glorieux. Mélange de pop, de rock progressif et de RIO (le basson fait TRÈS Henry Cow), The Unraveling couvre beaucoup de terrain sans s’égarer. Écriture profonde, intriquée, voix masculines et féminines, arrangements riches, le tout mixé de main de maître par Bob Drake, qui n’a pas son pareil pour donner de la profondeur de champ. Un des grands crus de 2014. [Ci-dessous: Vidéoclip officiel pour “Don’t Land on Me”.]
I hadn’t been impressed yet by Knifeworld – one of the bands of guitarist Kavus Torabi (of Guapo). But this brand new opus is nothing short of glorious. A blend of pop, progressive rock, and RIO (the bassoon adds a strong Henry Cow vibe), The Unraveling covers a lot of ground without getting lost. Deep, intricate songwriting, male and female voices, rich arrangements, all that mixed to perfection by Bob Drake, a man unparalleled when it comes to creating depth. One of the best albums of 2014. [Below: Official music video for “Don’t Land on Me”.]


2014-08-14

2014-08-13: Agnel/Benoit, Ceccaldi/Negro/Ceccaldi/Chennebault, Dakota Suite/Sirjacq, Jacaszek/Kwartludium, Tohpati

Journal d'écoute / Listening Diary 
2014-08-13

SOPHIE AGNEL & OLIVIER BENOIT / Reps (Césaré - merci à/thanks to Dense Promotion)
Ce disque propose deux improvisations entre la pianiste Sophie Agnel et le guitariste Olivier Benoit. Il a été enregistré en juillet 2011, soit avant que Benoit soit appointé à la tête de l’Orchestre national de jazz (cf. journal d’écoute d’hier). La première impro est très vive, excitée, la musique déborde de partout, impossible à contenir. La seconde est plus posée, plus axée sur l’égrènement de textures délicates, et se termine par une fuite vers le silence complet. Très réussi, maîtrisé, captivant, beaucoup moins aride que Rip Stop chez In Situ (2002).
This CD features two free improvisations by pianist Sophie Agnel and guitarist Olivier Benoit. They were recorded in July 2011, well before Benoit was appointed at the helm of the Orchestre national de jazz (see yesterday’s entry). The first piece is very lively, excited, the music overflows, impossible to contain. The second piece is calmer, more focused on weaving quiet textures, and it concludes with a fade to complete silence. Well done, the musicians are fully in control, and it’s a captivating listen, a lot less arid than Rip Stop (In Situ, 2002).

THÉO CECCALDI, ROBERTO NEGRO, VALENTIN CECCALDI & ADRIEN CHENNEBAULT / La Scala (Ayler Records)
Le violoniste Théo Ceccaldi est également dans l’Orchestre national de jazz d’Olivier Benoit. Le voici dans un nouveau quatuor de jazz avec le pianiste Roberto Negro, le violoncelliste Valentin Ceccaldi et Adrien Chennebault aux percussions. Trois compositions de Negro, une de Théo et trois improvisations collectives. Jazz acoustique créatif, souvent sombre, où la ligne entre composition et improvisation est trouble. Bien construit, écoute très agréable. Pas aussi fort que le dernier Théo Ceccaldi Trio.
Violinist Théo Ceccaldi is also a member of the Oliveri Benoit’s Orchestre national de jazz. Here he is in a new jazz quartet with pianist Roberto Negro, cellist Valentin Ceccaldi et percussionist Adrien Chennebault. Three compositions by Negro, one by Théo, and three collective improvisations. Acoustic creative jazz, often darkish, where the line is fine between composition and improvisation. Well built track list, a highly enjoyable listen, but this one is not as strong as the latest CD from the Théo Ceccaldi Trio.

DAKOTA SUITE & QUENTIN SIRJACQ / There Is Calm to Be Done (Karaoke Kalk)
Nouvelle collaboration entre le duo Dakota Duite et le pianiste Quentin Sirjacq. Cette fois (parce que Dakota Suite a abordé de nombreux styles au fil des ans), il s’agit de chansons (à texte et instrumentales) tendres et délicates, aux arrangements épurés. D’une écoute facile, avec une esthétique bien définie, et par moment adorable (la pièce titre, “flat Seat”). Or, j’ai deux “mais”: 1. Les textes sont fades et prévisibles. 2. L’écoute de ce disque m’a donné plus envie de réécouter le premier Barzin que de le réécouter lui. Il y a beaucoup de similitudes entre There Is Calm to Be Done et Barzin, mais Dakota Suite ne sort pas gagnant de cette comparaison. Tout de même agréable.
A new collaboration between the band Dakota Suite and pianist Quentin Sirjacq. This time – because Dakota Suite have covered a lot of styles over the years – the music consists of tender and delicate songs (with or without lyrics) with stripped-down arrangements. An easy listen, with a well-defined homogenous style, and adorable at times (the title track, “Flat Seat”). But there are two “buts”: 1. Lyrics are bland and unimaginative. 2. Listening to this record made me want to go back to Barzin’s first CD more than to spin it again. There are plenty of similarities between There is Calm to Be Done and Barzin, but Dakota Suite don’t come out as the winners of this comparison. Still, an enjoyable record.

JACASZEK & KWARTLUDIUM / Catalogue des arbres (Touch - merci à/thanks to Dense Promotion)
Collaboration entre l’électroniciste Michał Jacaszek et le quatuor Kwartludium (violon, clarinette, piano, percussions). Jacaszek a composé huit morceaux qui mélangent judicieusement électroniques (ambiances, field recordings) et partitions acoustiques. Des prises de son crues ajoutent un côté mal léché au projet, côté qui lui sied bien. Ainsi, des sonorités rêches captées de près nous empêchent de voguer trop loin sur les vagues de la musique. Très satisfaisant. [Ci-dessous : Jacaszek a mis l’album complet en écoute libre sur YouTube.]
Collaboration between electronica artist Michał Jacaszek and the Kwartludium quartet (violin, clarinet, piano, percussion). Jacaszek wrote eight pieces that judiciously blend electronics (ambiences, field recordingts) and acoustic parts. Raw sound captures add a welcomed rough aspet to the project – gritty up-close sounds prevent the mind from drifting to far away. Quite satisfying. [Below : Jacaszek has put the whole album up for streaming on YouTube.]

TOHPATI / Tribal Dance (Moonjune)
L’étiquette Moonjune met beaucoup d’énergie derrière deux guitaristes indonésiens : Dewa Budjana et Tohpati. Elle publie leurs groupes (Tohpati joue dans l’excellent ensemble simakDialog) et fait venir ces guitaristes aux États-Unis pour enregistrer avec des musiciens américains. Ainsi, Tribal Dance, contrairement aux deux albums précédents de Tohpati (Save the Planet et Riot), présente le guitariste en compagnie d’une section rythmique américaine très prisée : Jimmy Haslip et Chad Wackerman. Ceux-ci s’acquittent fort convenablement de leur rôle, propulsant les compositions fusion complexes de Tohpati en laissant beaucoup de place à sa guitare. Écriture entraînante, dextérité à profusion, échantillons sonores ici et là pour ajouter un élément indonésien au tout. La pièce solo en fin de parcours n’était pas nécessaire. Je préfère encore Save the Planet, qui utilisait des percussions indonésiennes, mais Tribal Dance plaira plus au public américain, j’imagine.
The Moonjune label puts lots of energy behind two Indonesian guitarists : Dewa Budjana and Tohpati. It releases albums by their bands (Tohpati plays in the stellar ensemble simakDialog) and brings these guitarists to the US to record with American musicians. So Tribal Dance, unlike Tohpati’s previous two records (Save the Planet and Riot) features the guitarist backed by an all-star US rhythm section : Jimmy Haslip and Chad Wackerman. They do a great job at laying the foundation for Tohpati’s complex fusion compositions while leaving plenty of room for his guitar playing. Driving songwriting, plenty of chios, occasional sound samples to bring an Indonesian element to the project. The concluding solo piece was unnecessary. I still prefer Save the Planet, where there were Indonesian percussionists, but I guess Tribal Dance is more suited to the tastes of the American jazz-rock audience.


2014-08-13

2014-08-12: Tarab, Taiga Remains, Orchestre national de jazz

Journal d'écoute / Listening Diary 
2014-08-12

TARAB / I’m Lost (23five - merci à/thanks to Dense Promotion)
Nouvel album de Tarab (l’Australien Eamon Sprod), qui regroupe des morceaux datant de 2007-2011. Art sonore à la fois ambiant et violent, fort en contrastes très marqués et en bruit blanc. Une attention au détail qui semble contredite par la violence des cassures du collage. Sprod navigue à l’œil dans un labyrinthe dont il ne s’extirpe pas à la fin de l’album. Et ses hésitations, ses culs-de-sac, ses retours sur ses pas deviennent la trame “narrative” d’I’m Lost. Une écoute difficile mais très stimulante.
This is a new album by Tarab (Australian sound artist Eamon Sprod), but it culls pieces made in 2007-2011. Sound art both ambiant and harsh, heavy on sharp contrasts and white noise. Minute attention to detail seemingly contradicted by the violence of the jumps found in these collages. Sprod is navigating through a labyrinth and he doesn’t find the exit at the end of the album. His hesitations, dead ends and back ups become the “narrative” of I’m Lost. A difficult listen, but a very stimulating one.

TAIGA REMAINS / Works for Cassette (The Helen Scarsdale Agency - merci à/thanks to Dense Promotion)
Je ne connaissais pas Taiga Remains avant ce disque, qui est annoncé comme le dernier que publiera Alex Cobb sous ce pseudo. D’abord paru sur cassette en édition très limité, maintenant réédité sur vinyle chez Helen Scarsdale. Très beau disque de musique ambiante. Des drones denses et fluides, teintés de tristesse, un vague à l’âme bien dosé. Cette musique se fond facilement dans le décor; il faut demeurer attentif pour ne pas en perdre la trace.
I didn’t know Taiga Remains prior to this album, which happens to be the last one Alex Cobb will release under this moniker. First released in an ultra-limited cassette edition, now reissued on LP by Helen Scarsdale. Gorgeous ambient music. Dense and fluid drones, sad without getting heavy about it. This music can easily disappear in the background of your living quarters, so stay focused while listening.

ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ / Europa Paris (Onjazz Records)
Olivier Benoit est-il capable de se tromper? Ça reste à prouver, parce que ce premier disque à la tête de l’Orchestre national de jazz est une merveille. Il faut dire que dès sa nomination au poste de directeur artistique de l’ONJ de France, Benoit a recruté une épatante brochette de musiciens – mes lecteurs seront particulièrement familiers avec Alexandra Grimal (saxo), Théo Ceccaldi (violon), Sophie Agnel (piano), Eric Echampard (batterie) et le bassiste Bruno Chevillon qui fait, parmi ces jeunes et pas-si-vieux, office d’éminence grise. Europa Paris est un album double entièrement composé par Olivier Benoit. Pensez donc à l’excellent Feldspath de La Pieuvre et du Circum Grand Orchestra, bien que plus ramassé et punché, et avec plus de guitare. Benoit a toujours eu le tour du riff bien mordant, des soulignements qui frappent et des improvisations collectives qui débouchent sur un thème simple et efficace. On a tout ça ici, en plusieurs exemplaires, et vous ne vous en lasserez pas. Bravo. [Ci-dessous: Reportage sur le projet Europa avec extraits de la musique.]
Is Olivier Benoit capable of doing wrong? I’ve never heard him do wrong yet. And here he is adding yet another highlight to his career with his first album at the helm of France’s Orchestre national de jazz. As soon as he got appointed at this prestigious position, Benoit recruited an exciting cast of players – my readers will probably be familiar with Alexandra Grimal (sax), Théo Ceccaldi (violin), Sophie Agnel (piano), Eric Echampard (drums), and bassist Bruno Chevillon who, among these young and not-so-old musicians, is the orchestra’s eminence grise. Europa Paris is 2-CD set entirely composed by Olivier Benoit. So except something akin to the excellent Feldspath by La Pieuvre and the Circum Grand Orchestra, though in a tighter, punchier form, and with more guitar. Benoit has always had a knack for the chunky riff, hard-hitting orchestral cues, and collective improvising that resolves into a simple and efficient theme. You get all of that here, in several iterations, and there’s no way you’ll get tired of it. Bravo. [Below: Interview with Olivier Benoit (with English subtitled) about the Europa project, with music excerpts.]