Portail du journalisme et de l'activisme musical de François Couture.

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2014-10-17

2014-10-16: Jorrit Dijkstra, Bolt, Higuchi/Morishige, Bennet/Galloway, LIL

Journal d'écoute / Listening Diary 
2014-10-16

 JORRIT DIJKSTRA / Music for Reeds and Electronics: Oakland (Driff Records)
Avec ce projet, le saxophoniste Jorrit Dijkstra souhaite combiner les électroniques analogiques au format musique de chambre du quintette à vents. Et il a monté ce projet dans trois villes; ce disque met en vedette son alignement d’Oakland, soit Phillip Greenlief, Kyle Bruckmann, Frank Gratkowski et Jon Raskin. Un alignement très relevé donc, pour interpréter des compositions sophistiquées, qui jouent beaucoup sur les quasi unisons, les notes tenues, les jeux de registres. C’est élégant sans être guindé – les électroniques, souvent issues de petits modules portatifs, ajoutant un élément ludique qui contrecarre toute tendance prétentieuse. Bien écrit, très bien exécuté. “Feuilles vertes”, “Easel” et “Veg” sont particulièrement novatrices. [Ci-dessous: Écoutez quatre pistes de l’album sur bandcamp.]
With this project, sax player Jorrit Dijkstra is trying to combine analog electronics with the somewhat standard chamber music format of the wind quintet. And he has put together different line-ups in three cities – this CD features the Oakland line-up, i.e. Phillip Greenlief, Kyle Bruckmann, Frank Gratkowski, and Jon Raskin. A top-notch alignment performing sophisticated compositions that make great use of near-unison, sustained notes, and plays on registers. The music is elegant without getting stuck-up – the electronics, often coming from handheld noise-making modules, add a playful element that short-circuits any “nigh brow” pretensions. Well written, very well executed. “Feuilles vertes,” “Easel,” and “Veg” stand out as particularly innovative pieces. [Below: Listen to four tracks from the album on bandcamp.]

BOLT / Shuffle (Driff Records)
Un quatuor d’improvisation libre avec Jorrit Dijkstra (saxo alto, électroniques), Eric Hofbauer (guitare), Junko Fujiwara (violoncelle) et Eric Rosenthal (batterie). Quatre improvisateurs nerveux mais à l’écoute, dans une série de pièces courtes, voire très courtes (moins d’une minute dans certains cas, deux morceaux de plus de quatre minutes, sur 19 improvisations) que l’auditeur est invité à écouter en mode aléatoire. Ça fonctionne: chaque pièce possède son indépendance, mais elles ont toutes des points communs qui les rendent permutables. Écoute agréable, avec des surprises – on se demande ce qui passe quand on tombe sur une des deux longues pièces. Réussi.
A free improvisation quartet with Jorrit Dijkstra (alto sax, electronics), Eric Hofbauer (guitar), Junko Fujiwara (cello), and Eric Rosenthal (drums). Four edgy improvisers with great listening skills, in a series of short pieces, some of them very short (less than a minute), and two longer pieces (7-8 minutes), for a total of 19 tracks. The listener is invited to listen on shuffle mode, and it works: each track is a stand-alone vignette, but they all share enough features to make them permutable. An enjoyable listen with a few surprises – when I got to the first longer track, I wondered what was going on. Successful.

KEIKO HIGUCHI & YASUMUNE MORISHIGE / Awai (Improvising Beings)
Enregistré en 2011-2012, paru en 2013 chez Improvising Beings, voici un solide album d’improvisation libre en duo entre la vocaliste Keiko Higuchi et le violoncelliste Yasumune Morishige (qui a aussi, chez Improvising Beings, un CD en duo avec Hugues Vincent). Des impros surtout dans les 3-4 minutes, marquées par une belle connivence. Voix fluide, inventive, qui utilise les techniques étendues sans s’y cantonner; violoncelle riche, profond, remarquablement ouvert au dialogue.
Recorded in 2011-2012, released by Improvising Beings in 2013, this is a strong set of free improvisation duos between vocalist Keiko Higuchi and cellist Yasumune Morishige (who recently released a duo CD with Hugues Vincent on Improvising Beings). Tracks in the 3-to-4-minutes range for the most part. Great collective playing. Fluid, inventive voice, with a non-exclusive use of extended techniques; rich and deep cello, remarkably open to the dialogue.

BRUCE BENNET & VINCE GALLOWAY / Desolation (Spectropol)
Réédition (en téléchargement “payez ce que vous voulez”) d’un disque de 1999. Duo clavier-guitare, passages très ambiants, très Tangerine Dream (particulièrement sur “Lament” et “Arpege”), mais plus ou moins réussi. Je trouve que ça ne coalesce pas.
A reissue (as a “pay what you want” download) of an album from 1999. Keyboard/guitar duo, some very ambient, very Tangerine Dream-like bits (especially in “lament” and “Arpege”), but it’s hit and miss. The album as a whole fails to coalesce, me thinks.

LIL / The Space Between (Spectropol)
Inréressant travail qui combine electronica, field recording, électroacoustique et musique ambiante. La première moitié de l’album est très réussie, avec des ambiances louches, des agencements couche sur couche et un bon sens de la narration – ça manque juste un peu de finition au niveau du mixage. La seconde moitié, soit la pièce titre de 25 minutes, s’égare dans ses propres méandres, mais elle n’est pas désagréable. Spectropol a publié cet album sur CD-R. [Ci-dessous: Écoutez l’album sur bandcamp.]
Interesting work that combines electronica, field recording, electroacoustics, and ambient music. The first half of the album is quite well done, with troubled atmospheres, layer-on-layer superimpositions, and a sound sense of narration – it just lacks a bit of finesse mix-wise. The second consists in the 25-minute title track, and this one kinda gets lost within its own meanderings, though it’s not unpleasant. Spectropol has released this title on CD-R. [Below: Listen to the album on bandcamp.]


2014-10-16

2014-10-15: Ilia Belorukov, Marcus Rubio, Dálava

Journal d'écoute / Listening Diary 
2014-10-15

ILIA BELORUKOV / I Did What Was Possible to Quiet Us (Spectropol)
Un court album de l’électroniciste russe Ilia Belorukov (de l’étiquette Intonema), paru en téléchargement seulement, en mode “payez ce que vous voulez” (comme toutes les parutions chez Spectropol). Un beau disque de compositions électroacoustiques ambiantes. Le saxophone y occupe une place importante comme source sonore (c’est l’instrument principal de Belorukov à part l’ordinateur). Il est délicatement habillé et mis en boucle. Dans “Art Park”, on dirait des volutes d’Evan Parker qui n’en finissent plus de s’évanouir dans la nature. Et la pièce titre en deux parties est un bijou de musique ambiante.
A short album from Russian electronicist Ilia Belorukov (of the Intonema label), released as a “pay what you want” download, like all Spectropol releases. A fine album of ambient electroacoustic pieces. The saxophone – Belorukov’s main instrument beside the laptop – provides the main sonic source, dressed up and looped. “Art Park” sounds like drafts of Evan Parker endlessly dissipating through nature. And the two-part title track is a near-perfect ambient piece.

MARCUS RUBIO / I Don’t Think I See a Difference (Spectropol)
Sur cet album (en téléchargement “payez ce que vous voulez”), le guitariste Marcus Rubio s’intéresse au banjo, avec lequel il produit des chansons réduites à leur plus simple expression. C’est un travail de déconstruction qui, à mon avis, doit autant à Tetuzi Akiyama (voire Taku Sugimoto dans “14 bagatelles”, des motifs minimaux entrecoupées de longs silences) qu’à Frank Pahl (“A Blues (Buyer)”). Il chante aussi, et le tout (banjo et voix) est livré d’une manière crue, brute. Certaines chansons sont très intéressantes, tout particulièrement “A Blues (Buyer)” qui épuise intelligemment son sujet en 42 secondes. Mais il y a aussi des longueurs sur ce disque, et des moments qui font grincer des dents.
On this album (available as a “pay what you want” download), guitarist Marcus Rubio focuses on the banjo to deliver songs that have been stripped down to their core. His reductionist approach owes as much to Tetuzi Akiyama (or even Taku Sugimoto in “14 bagatelles”, a suite of minimal fragments interspersed with long pauses) than Frank Pahl (“A Blues (Buyer)”). Rubio sings too, and the whole thing is delivered in a raw fashion. Some songs are pretty interesting, especially “A Blues (Buyer)” in which he intelligently exhaust his material in 42 seconds. But there are overlong tracks too, and teeth-gritting passages.

DÁLAVA / Dálava (Sanasar Records – merci à/thanks to Rock Paper Scissors)
Que. C’est. Bon. Paru officiellement hier, voici le premier album (un CD) de Dálava, un groupe qui se consacre à la modernisation du répertoire traditionnel moravien. En fait, la chanteuse Julia Ulehla est l’arrière petite-fille de Vladimir Ulehla, qui a recueilli et transcrit un grand nombre de chants de la région. Elle est accompagnée de deux violonistes, d’un guitariste et d’un contrebassiste (qui joue aussi du guimbri, la basse nord-africaine dont joue aussi Joshua Abrams). Guitares et violons sont électrifiés à l’occasion, les musiciens se déchaînent souvent, bref, on nage en pleine folk-rock psychédélique, et c’est jouissif. Les solos de violon dans “Ej, lásko, lásko”, la furie guitaristique dans “Hory hučá“, la douceur planante et languissante de “Hájíčku zelený” – les moments forts ne manquent pas. La voix de Mme Ulehla n’est pas aussi envoûtante que celle d’Iva Bittová (une comparaison injuste, vous me direz), mais elle s’agence bien à l’instrumentation et l’approche choisies. Une très belle surprise. [Ci-dessous: Écoutez tout l’album sur bandcamp.]
What. A. Good. Album. Officially released yesterday, here’s the debut CD by Dálava, a band that performs modernized versions of traditional songs from Moravia. Actually, singer Julia Ulehla is the great-granddaughter of Vladimir Ulehla who transcribed a large number of folk songs in his time. She is accompanied by two violinists, a guitarist, and a bassist (who also plays guimbri, the North-African bass also used by Joshua Abrams). Guitars and violins are electrified, and the musicians aren’t scared of soloing, so what this is actually is unadulterated psychedelic folk-rock... without percussion. And it’s a blast. Highlights abound: the violin solos in “Ej, lásko, lásko”; the guitaristic fury in “Hory hučá“; the trippy languor of “Hájíčku zelený”. Miss Ulehla’s voice is not as bewitching as Iva Bittová, but it befits the band’s instrumentation and approach. This one is a wonderful surprise. [Below: Listen to the whole album on bandcamp.]


2014-10-15

2014-10-14: Mott/Stewart, Inca Babies, Homler/Vlatkovitch/Kaiser/Walton/West, Prince/3rdEyeGirl

Journal d'écoute / Listening Diary 
2014-10-14

DAVID MOTT & JESSE STEWART / Anagrams (Art Stew)
Session studio sous le signe du jazz entre le saxophoniste David Mott et le batteur Jesse Stewart. Très belle réalisation sur l’étiquette de Stewart, tout comme son récent album en duo avec Hammid Drake. Tous les titres ici sont doubles (et des anagrames l’un de l’autre); par exemple, l’album s’intitule Anagrams et Ars Magna. Cette multiplicité des sens s’entend aussi dans les conversations des deux musiciens. Nous sommes en présence de compositions instantanées plutôt que d’improvisation libre – il y a généralement un rythme et une mélodie, même si l’un comme l’autre peut prendre plus d’une forme, plus d’un sens. Un beau disque de jazz moderne, créatif, accessible, qui met la virtuosité au profit de la musicalité et la musicalité au profit de la créativité. Notes de livret de William Parker.
A jazz studio session between sax man David Mott and drummer Jesse Stewart. A very good production released on Stewart’s own label, like his recent duo set with Hammid Drake. All track and album titles have a anagramic double – the album is called Anagrams AND Ars Magna. This double entendre is also heard in the musicians’ conversations. This is instant composition rather than free improvisation – most of the time there’s a rhythm and a melody, though both can adopt different forms and carry various meanings at once. A fine modern, creative, accessible jazz record, where virtuosity is subsumed to musicality, and musicality subsumed to creativity. Liner notes by William Parker.

INCA BABIES / The Stereo Plan (Black Lagoon - merci à/thanks to Dense Promotion)
Un groupe anglais qui n’en est pas à son premier disque, mais c’est le premier à croiser mes oreilles. Après la surprise initiale – c’est beaucoup plus rock ordinaire que ce que je reçois habituellement de ce publiciste – je me suis laissé prendre au jeu. Oui, c’est “straight”, et oui, ça manque de finesse dans le jeu, mais l’écriture est efficace, les textes aussi. Ça ne deviendra jamais un favori, mais j’y perçois l’influence de The The et (plus occasionnellement) de Pere Ubu, ce qui me plaît.
An English band who have a few albums under their belt, but this new one’s the first one to cross my ears. After an initial shock – this is much more straightforward rock than what their publicist has gotten me used to – I warmed up to it. Yes, it’s straightforward, and yes, it lacks finesse, but the songwriting is tight (tighter than the band) and the lyrics are fun. It won’t become a personal favourite, but I can hear traces of The The and Pere Ubu in here, which pleases me.

ANNA HOMLER, MICHAEL VLATKOVITCH, JEFF KAISER, SCOTT WALTON & RICH WEST / Here & Here & Here (pfMENTUM)
S’il existe une formation all-star de l’écurie pfMENTUM, la voici: Anna Homler, Jeff Kaiser, Michael Vlatkovich, Scott Walton et Rich West. Quinze courtes improvisations (deux passent la barre des sept minutes, mais la plupart en font moins de quatre) couvrant une vaste gamme d’émotions, de contrastes et de tensions. Homler, splendide comme toujours avec ses vocalisations délicates et ses jouets hétéroclites; Vlatikovitch et Kaiser qui vocalisent avec elle, par trombone et trompette interposées; Walton et West, une section rythmique aux idées éclatées, mouvantes. Honnêtement, ça pourrait bien être un des meilleurs disques d’improvisation de l’année. Sautez là-dessus. [Ci-dessous: “Three in Front Four in Back Toes”.]
If there ever is a pfMENTUM Records all-star band, this is it: Anna Homler, Jeff Kaiser, Michael Vlatkovich, Scott Walton, and Rich West. Fifteen short improvisations (two go over seven minutes, but most are under four) that cover a wide range of emotions, contrasts, and forms of tension. Homler, glorious as always with her delicate vocalization and misfit noise-making toys; Vlatkovitch and Kaiser vocalizing with her via trombone and trumpet; Walton and West forming a wild, unpredictable rhythm section. Honestly, Here & Here & Here could be on of the very best free improvisation releases of 2014. Don’t let this one pass by. [Below: “Three in Front Four in Back Toes”.]

PRINCE & 3RDEYEGIRL / PlectrumElectrum (Warner Bros.)
Je suis la carrière de Prince de façon épisodique depuis les années 80 (et je vénère Sign O’ the Times). Prince vient de publier deux albums pour souligner son retour chez Warner Bros. PlectrumElectrum est l’un de ceux-là, et il met en vedette le power trio féminin 3rdEyeGirl autant que Prince lui-même. C’est un album rock à fond de train, sauf une ballade ici et là (et on se serait passé de “White Caps” et de “Tic Tac Toe”). Prince chante la moitié de l’album; le reste est dévoué à la guitariste et à la bassiste de 3rdEyeGirl, qui font du bon boulot. Néanmoins, ce sont les titres chantés par Prince qui ressortent du lot. Cela dit, belle diversité sans nuire à la cohésion de l’ensemble, quelques très bons moments (y compris l’instrumentale “Plectrum Electrum”), et “Funk’n’Roll” est un classique instantané. [Ci-dessous: Vidéo officielle de “Fixurlifeup”, une chanson très représentative de l’album.]
I’ve been following Prince’s career on and off since the mid ‘80s (and I hold Sign ‘O’ The Times in the highest regard). Prince just released TWO albums to celebrate his return to Warner Bros. PlectrumElectrum is one of them, and it features him as much as the all-female power trio 3rdEyeGirl. This album rocks out from A to Z, except for a couple of ballads (“White Caps”, “Tic Tac Toe”) I could have done without. Prince sings lead on half the songs; the others are left to 3rdEyeGirl’s guitarist and bassist, and they do a good job, but to me the standout tracks all have Prince singing lead. That being said, this album offers a fine level of diversity without lessening its cohesion, and it has a few very strong moments (including the instrumental title track). Oh, and “Funk’n’Roll” is an instant classic. [Below: Official music video for “Fixurlifeup,” a song highly representative of the whole album.]