Journal d'écoute / Listening Diary
2010-04-23
PERTE DE SIGNAL / Chroniques (Perte de signal)
Organisme montréalais de création sonore, Perte de signal présente ici quatre œuvres de ses membres, quatre assemblages de sons puisés dans des lieux publics, sans être remarqués. Nous sommes ici dans un univers de “field recording” très transformés, utilisés comme matériau brut dans des pièces acousmatiques immersives. Nelly-Ève Rajotte propose un voyage binaural entre la roche et la voix. Les trois autres participants sont les trois membres du trio Bold (qui sera du FIMAV 2010): Érick D’Orion (de morceaux_de_machines), Nicolas Bernier (de l’étiquette Ekumen) et Alexis Bellavance. La pièce de D’Orion est plus bruitiste et glauque; celle de Bernier est sombre, mystérieuse, inquiétante; celle de Bellavance m’a rendu perplexe dans son enchevêtrement de petits sons et de petites voix. À fouiller plus avant. Un disque court (35 minutes) mais bien serré, somme toute une belle proposition.
A Montreal-based sound art organization, Perte de signal offers here four works by some of its members, four pieces made from field recordings made in public locations with hidden microphones. This is a soundworld of highly treated field recordings, recordings used as raw material in immersive acousmatic works. Nelly-Ève Rajotte, goes binaural for a journey between a rock wall and voices. The other three participants are the three members of Bold (who will be playing at FIMAV 2010): Érick D’Orion (of morceaux_de_machines), Nicolas Bernier (from the Ekumen label), and Alexis Bellavance. D’Orion’s piece is noisier and gloomier; Bernier’s is dark, mysterious and disqueting; Bellavance’s perplexed me with its tangle of tiny sounds and voices. Needs further investigation. A short record (35 minutes), but tight. All in all a fine proposition.
ANDREW VIOLETTE / Ultra Violette (Innova)
Jamais de demi-mesures pour le compositeur-pianiste Andrew Violette. Connu pour ses pièces fleuves (ses sonates pour piano sont épiques, autant en durée qu’en densité), le voici qui propose un recueil d’œuvres courtes... mais il en fait un disque double 2 h 25 min... plus 17 minutes de musique supplémentaire en format mp3! Ultra Violette regroupe des œuvres composées entre 1970 et 2002. Il y a de tout: des solos de piano, une sonate pour flûte, un duo de piano, un trio, un septette et beaucoup de chansons pour baryton ou soprano et piano. En fait, la suite “American Song Set” (1996, 2002), 40 minutes, constitue le point le plus intéressant de ce disque. Chantées par le baryton Raemond Martin (les 5 premières) et la soprano Sherry Zannoth (les 5 dernières), ces chansons sont complexes, poignantes, vibrantes et excessives comme seul Violette sait les faire. Les “Five Sonatinas” de 1994 valent aussi le coup d’oreille - elles sont presque légères si on les compare à ses monstrueuses sonates (que j’aime bien, incidemment).
Andrew Violette never does something half-heartedly. Known for his epic works (his piano sonatas are incredibly long and dense), now he comes back with a collection of short works… but he makes it a 2-CD, 2-hours-25-minutes affair… plus 17 minutes of bonus mp3s! Ultra Violette culls works composed between 1970 and 2002. There’s a little of everything: piano solos, a flute sonata, a piano duo, a trio, a septet, and lots of songs for baritone or soprano. In fact, the 40-minute “American Song Set” (1996, 2002) is the album’s highlight. Sung by baritone Raemond Martin (the first five songs) and soprano Sherry Zannoth (the last five), these are complex, poignant, vibrant, and excessive songs, like only Violette can write I guess. The “Five Sonatinas” from 1994 are also noteworthy – they feel almost light-hearted when compared to his monstrous sonatas (which I am fond of, incidentally).
ARTISTES VARIÉS-VARIOUS ARTISTS / Musik Oblik: Musics in the Margin 2 (Sub Rosa - merci à/thanks to Forced Exposure)
Ce volume d’outsider music est nettement supérieur au premier. On y a droit à un large éventail de pratiques et d’époques, mais tout est lié à l’art brut ou l’outsider art, soit de l’art fait par des amateurs, des non-artistes. Le Québécois que je suis a ri de Normand L’Amour autant qu’un autre, et les deux chansons incluses ici (parmi ses plus délirantes) sont un sommet du ridicule fait musique - du moins dans les textes, d’une banalité si poussée qu’ils en deviennent psychotroniques. Ses programmations musicales sont par contre très étranges, très “musique actuelle”. Parlant programmations, les boucles de Klaus Beyer sont si incertaines qu’elles font presque oubliées son chant dénué de toute justesse (sa version de “Hey Jude” est une pièce d’anthologie). Le reste du disque laisse le pathétique pour tomber dans des avenues plus sérieuses mais toutes aussi tordues. Beaudoin Oosterlynck ralentit les voix d’handicapés mentaux pour colliger un “Oratorio” glauque et émouvant. Notons aussi Baudouin De Jaer qui interprète les fragments musicaux qu’insérait Adolf Wölfli dans ses œuvres picturales. Beaucoup de choses étonnantes et déstabilisantes sur ce disque, surtout si on survit à l’amateurisme psychotronique de Beyer et L’Amour en début de programme.
This volume of outsider music is so much better than the first one. We are “treated” to a wide range of practices, all tied to “art brut” or outsider art, i.e. art made by amateurs or non-artists. Being a Quebecois, I have laughed at Normand L’Amour as much as the next guy, back when he had his 15 minutes of fame in the media, and the two songs included here (among his most representative) mark a new low in musical ridicule - at ;east in the lyrics, so trite they turn psychotronic. His music programming though is pretty weird, almost avant-garde. Speaking of programming, Klaus Beyer’s music loops are so shaky they could almost distract from the fact they he never sings in tune (his cover of “Hey Jude” is the stuff of legend). The rest of the album steers away from the pathetic and into more serious though just as torturous pths. Beaudoin Oosterlynck slows down the voices of mentally handicapped people for a gloomy and surprisingly moving “Oratorio.” Also noteworthy is Baudouin De Jaer’s performances of some of the musical fragments Adolf Wölfli used to integrate to his paintings and drawings. Lots of surprising and destabilizing stuff on this CD, especially if you can survive the psychotronic amateurism of Beyer and L’Amour early in the tracklist.
BONEDOME / Thinktankubator (Summer Break Records - merci à/thanks to XO Publicity)
La voix du chanteur Allan Hayslip rappelle beaucoup celle de Peter Murphy. C’est la première chose que vous remarquerez à l’écoute de Bonedome. Ce n’est pas une mauvaise chose, loin de là, mais c’est notable. Pour le reste, Thinktankubator propose une bonne brochette de chansons inspirée par le rock alternatif intelligent des années 80 (Murphy époque Holy Smoke, XTC, Love and Rockets), vu à travers le prisme du indie rock d’aujourd’hui. On me l’a présenté comme de l’indie-prog, ce que je rejette: les chansons sont courtes, simples, sans développements instrumentaux. Cela dit, elle sont intelligemment arrangées, bien mûries, et elles ont de l’ambition. Les fans de Murphy y trouveront quelque chose, j’en suis sûr. “Girl One” est particulièrement réussie.
The voice of singer Allan Hayslip is strongly reminiscent of Peter Murphy. It’s the first thing you’ll notice when listening to Bonedome. It’s not a bad thing, of course, but it leaps at you. That aside, Thinktankubator offers a good selection of songs inspired by the intelligent alternative rock of the ‘80s (Holy Smoke-era Peter Murphy, XTC, Love and Rockets), seen through the prism of today’s indie rock. The album was introduced to me as “indie-prog” but that’s just wrong: the songs are short, simple, without instrumental developments. That said, they are intelligently arranged, matured, and they show ambition. Fans of Murphy will find something to like in here, as did I. “Girl One” is a particularly good song.
GABRIEL YACOUB / De la nature des choses (Le Roseau)
Gabriel Yacoub peut prendre tout le temps qu’il veut si c’est pour produire des disques aussi beaux que De la nature des choses. L’ancien chanteur de Malicorne livre ici un album qu’on pourrait qualifier d’unplugged - pas qu’il fasse grand usage de l’électricité en temps normal, mais l’instrumentation est ici réduite à sa plus simple expression, souvent même pas un trio. Cette une différence frappante si on compare avec des disques richement arrangés comme Quatre ou Babel. Cela dit, cette économie de moyens réussit à merveille à cette collection de chansons, aussi poétiques, tendres et attendrissantes que jamais. La plume de Yacoub est raffinée sans devenir éthérée, et son utilisation des musiques traditionnelles comme source d’inspiration rend ses pièces intemporelles. De la nature des choses pourrait être son meilleur disque solo, simplement parce qu’il n’y a rien à y redire: aucune chanson plus faible, aucun choix discutable. Merci, M. Yacoub, pour l’intelligence de vos musiques et la richesse de vos poèmes. [Ci-dessous: Deux extraits de l’album. Plein d’autres extraits ici.]
Gabriel Yacoub can take all the time he wants if it gives us records as beautiful as De la nature des choses. Malicorne’s singer delivers an album that could be called unplugged – not that he ever had much use for electricity in the past, but the instrumentation is reduced to the bare essentials, at times not even a trio. It’s a striking change from richly arranged albums like Quatre or Babel. That said, spare means work wonders for these songs, as poetic, sweet and endearing as ever. Yacoub’s songwriting is sophisticated without turning detached, and the way he draws from traditional folk music makes his songs timeless. De la nature des choses could be his best solo record, simply because there’s nothing here to complain about: no weaker track, no arguable choice. Thank you, Mr. Yacoub, for the intelligence in your music and the richness in your poems. [Below: Two songs from the album. Tons more clips here.]