2014-10-30
Plongeons dans le scandale. Sur Blue, le quintette Mostly Other People Do the Killing (Peter Evans,
Jon Irabagon, Ron Stabinsky, Moppa Elliott, Kevin Shea) recrée à la note près
le célèbre album Kind of Blue de
Miles Davis, sacré depuis longtemps meilleur album de jazz de tous les temps.
C’est dire que MOPDTK ont enregistré le meilleur album de tous les temps. Dans
les cercles jazz, le scandale fait rage. Messieurs (et mesdames, mais ce sont
surtout des messieurs), calmons-nous. MOPDTK sont des farceurs; ils l’ont
toujours été. Qu’on s’intéresse à la pochette de leur disque Slippery Rock! (ou à celle de Foxy d’Irabagon) pour s’en convaincre.
Or, la pochette (combien de critiques ont chroniqué ce disque à partir de
téléchargements, sans jeter un œil à la pochette?) recèle nombre d’indices
qu’il s’agit là d’un canular, comme ce pictogramme ton sur ton d’un homme en
flinguant un autre à la tête, ou encore la reproduction intégrale, en guise de
notes de livret, de la nouvelle “Pierre Ménard, auteur du Quichotte” de Jorge
Luis Borges, fiction camouflée en essai littéraire (bref: canular) qui
constitue une réflexion sur le droit d’auteur, la création et la reproduction.
La musique? C’est effectivement Kind of
Blue interprété le plus fidèlement possible. Est-ce parfait? Je ne sais
pas, je n’ai pas comparé côte à côte. D’ailleurs, pourquoi le ferais-je? Est-ce
important? Blue est un canular
brillant, point final.
Okay, let’s dive
into the scandal. On Blue,
avant-jazz quintet Mostly Other People Do the Killing (Peter Evans, Jon
Irabagon, Ron Stabinsky, Moppa Elliott & Kevin Shea) recreate note for note
Miles Davis’s famous Kind of Blue LP,
near-unanimously hailed as the best jazz album ever. Which means that MOPDTK
have recorded the best jazz album ever. This release has brewed trouble in the
jazz world, some critics going to ridiculous lengths in their effort to
misunderstand this project. Gentlemen (and ladies, but they’re almost
exclusively gents), please calm down. MOPDTK are hoax-pullers; they’ve always
been. Just look at the cover of their CD Slippery Rock! (or Irabagon’s Foxy) to get
my drift. Actually, Blue’s booklet
couldn’t be any clearer about the band’s intent (but how many critics actually
looked at the booklet?). For one, there’s this barely legible (tone on tone)
pictogram of a man shooting another man in the head. Second, as a parody of
lines notes, the band reprint Jorge Luis Borges’s short story “Pierre Menard,
Author of the Quixote,” a fiction masquerading as an essay (in other words: a
hoax) and a reflection on creation, reproduction, and authorship. The music? It
is indeed Kind of Blue performed as
closely as possible to the original. Is it note perfect? I didn’t compare the
records side by side. Why should I? Sincerely, does it matter? Blue is a brilliant hoax; let’s leave at that.
Ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu le
batteur William Hooker. Il est en bonne forme dans ce concert en compagnie du
saxo Liudas Mockunas. Quatre improvisations en mode free jazz, beaucoup
d’énergie, de l’émotion aussi (Mockunas me fait un peu penser à Paul Flaherty).
Bonne captation aussi. Ce ne sera pas l’album de l’année, mais je suis heureux
de voir que Hooker maintient le cap et content de ce premier contact avec
Mockunas.
It’s been a while
since I’ve heard drummer William Hooker. He’s in fine form in this concert with
sax player Liudas Mockunas. Four improvisations, all in free jazz mode, with
lots of energy, and emotions too (Mockunas reminds me, to an extent, of Paul
Flaherty). A fine live recording. This won’t be album of the year, but I’m
happy to see that Hooker is still towing the line, and satisfied with this
first encounter I’ve had with Mockunas.
J’aime le Red Trio (Rodrigo Pinheiro au piano, Hernani
Faustino à la contrebasse, Gabriel Ferrandini à la batterie). Ici, ce trio
portugais d’improvisation rencontre le vibraphoniste Mattias Stähl, dont
l’instrument tempère un peu l’ardeur de l’ensemble, pour le meilleur. Bel
équilibre des forces, large palette d’intensités, moments de parfaite
connivence dans “Red”. On croirait parfois écouter le trio d’Alex Von
Schlippenbach plus vibraphone. Enregistré en concert en novembre 2013.
I like Red Trio
(pianist Rodrigo Pinheiro, bassist Hernani Faustino, drummer Gabriel
Ferrandini), and here the Portuguese free impro unit meets vibes player Mattias
Stähl, whose instrument sets a less frantic pace, for the greater good.
Wonderful balance of strengths, wide palette of energies, moments of perfect
symbiosis in “Red”. At times you could swear this is the Alex Von Schlippenbach
trio with added vibes. Recorded live in November 2013.
Un nouveau CD de l’électroacousticien Mathias
Delplanque, cette fois axé sur des sons de machines industrielles – métiers à
tisser et machines-outils. Quatre morceaux: trois courts et un de 40 minutes.
Les premiers morceaux sont une mise en bouche: élégants, raffinés. “Part 4”,
elle, est un monstre. On y entre sans se méfier, puisqu’elle commence un peu
comme les morceaux précédents, mais elle dégénère et s’est bientôt une
descente, un enlisement dis-je, au cœur de la bête industrielle. Les hautes
s’effacent, les basses prennent toute la place, on ne sait plus s’il s’agit de
mouvements mécaniques ou de péristaltisme organique. Et je vous le dis tout de
suite: il n’y a pas d’issue. Le mouvement est inoxerable et se termine par une
extinction pure et simple, lorsque tout est consumé. C’est génial. [Ci-dessous:
Tout l’album en écoute libre sur bandcamp.]
A new CD by
electroacoustician Mathias Delplanque, based this time on sounds from
industrial machines – looms and machine-tools. Four pieces: three short ones
and a final 40-minute track. The first three pieces are like hors-d’œuvres:
sophisticated and elegant. “Part 4” is a monster. You step inside it
unsuspecting, as it starts pretty much like the first three tracks, but soon it
degenerates, and we’re caught in a descent, a drowning into the heart of the
industrial beast. High frequencies disappear, low frequencies take over, and
there’s no way to know if these are mechanical movements or organic
peristalsis. And there’s simply no way out. This movement is inescapable and it
reaches the only logical conclusion: extinction when everything has been
consumed. It’s a work of genius. ∫Below: Listen to the whole album on
bandcamp.]