2014-05-27/29
Désolé pour le hiatus de ce journal
d’écoute, mais j’avais tellement de boulot, vous n’y croiriez pas. C’est
pourquoi, ces derniers jours, je m’en suis tenu à l’exploration de cet énorme
coffret de huit disques. L’ensemble prend la forme de deux boîtiers “jewel
case” quadruples avec chacun son livret (intitulés Leaving
Knowledge, Wisdom and Brilliance” et Chasing the
Bird?), réunis, avec un autre livret, dans une boîte en carton
estampée à la main. Sept heures de musique enregistrée entre 2006 et 2013.
Majoritairement, il s’agit de longues improvisations avec le grand Sonny
Simmons au sax alto ou au cor anglais, accompagné de Julien Palomo aux claviers
et de Michel Kristof à la guitare, au gembri et à la sitar (tous électrifiés).
Sur les quatre premiers disques, le poète-percussionniste Bruno Grégoire
intervient ici et là; sur le cinquième disque (le seul constitué de plusieurs
courtes pièces), on trouve des collaborations avec Anton Mobin, aka_bondage et
nobodisoundz. La musique est très aérienne dans l’ensemble – de longues pièces
aux structures harmoniques répétitives – “Dead Years Ago, Million Years Ahead”
étire un motif de clavier pendant 40 minutes, ça devient un mantra puissant
mais lassant, malgré les envolées de Simmons qui, à 80 ans, a encore beaucoup
de choses pertinentes à dire. Le mixage est très espacé – guitares (souvent
ambiantes) au fond, claviers discrets et Simmons qui se promène dans l’image
stéréo, variant les angles d’attaque, les intensités. Parfois, un air de jazz
ou un motif de blues fait surface et s’installe (la finale de l’excellente
“What Do We Know?/Who Are We?/As Humans”), mais les amateurs de Sonny le
jazzman seront parfaitement confondus par l’approche développée ici. Une
approche difficile à décrire au demeurant, puisqu’elle allie spontanéité et
prédestination, virtuosité et fragilité, voire un certain dillettantisme.
Allez-y à petites doses, un disque à la fois.
Sorry for the listening diary
hiatus, but I had so much work you wouldn’t believe it. That’s why, these last
few days, I limited my “new listens” to this 8-CD box set. This behemoth takes
the shape of two 4-CD jewel cases (entitled Leaving Knowledge, Wisdom, and
Brilliance and Chasing the Bird?), each with its own booklet, brought together in a hand-stamped
cardboard box that contains a third booklet. Seven hours of music recorded
between 2006 and 2013. Mostly, the music consists in long improvisations by the
great Sonny Simmons on alto sax or cor anglais, accompanied by Julien Palomo on
keybaords and Michel Kristof on guitar, gembri or sitar (all electrified). On
the first four discs, poet/percussionist Bruno Grégoire intervenes occasionally;
on the fifth disc (the only disc containing several short tracks), there are
collaborations with Anton Mobin, aka_bondage, and nobodisoundz. The music is
mostly very aerial – long pieces with repetitive harmonic structures – “Dead
Years Ago, Million Years Ahead” stretches out a keyboard motif for 40 minutes;
it turns into a powerful mantra, but it grows tiresome despite Simmons’
flurries – though 80 years old, the man still has plenty of relevant things to
play. The mix leaves a lot of room to space and silence, with (often ambient)
guitars far in the background, keyboards keeping a low profile, and Simmons
moving around in the stereo field, varying is angles of attack, the intensity
of his insertions. At times, a jazz tune or a blues motif drifts to the surface
and settles in (as in the tail end of the excellent “What Do We Know?/Who Are
We?/As Humans”), but fans of Sonny the jazzman will be dumbfounded by the
unusual approach he develops herein. An approach that eschews description for
it blends spontaneity and predestination, virtuosity and fragility, with a
certain amount of dilettantism. Take it in slowly, one disc at a time.
M’arrive du Portugal ce très beau disque
issu d’une résidence d’une semaine entre le guitariste Marcelo dos Reis et
quatre musiciens triès sur le volet: la harpiste Angélica V. Salvi, le saxo
Nuno Torres, le batteur João Pais Filipe et, à l’ordinateur, Miguel Carvalhais
du duo @c. Le disque se découpe en trois parties. D’abord, quatre compositions
méticuleuses qui me rappellent l’univers de Polwechsel. Ensuite, trois solos et
duos qui permettent de décomposer le travail de chacun. Enfin, une splendide
improvisation collective de 15 minutes qui laisse place à des presque-silences
judicieux. Bravo.
This gorgeous record from
Portugal is the result of a week-long residency between guitarist Marcel dos
Reis and a hand-picked cast of players: harpist Angélica V. Salvi, sax player
Nuno Torres, percussionist Jpão Pais Filipe, and computer whiz Michel
Carvalhais of the duo @c. The record is split in three parts. First, we have
four meticulous compositions that remind me of the sound world of Polwechsel.
Then, three solos and duos to isolate the work of each musician. Finally, a
gorgeous 15-minute collective improvisation that leaves room for judicious
near-silences. Bravo.
Deux en deux pour Jacc Records et le
guitariste Marcel Dos Reis, présent dans cet autre quinquette, très différent
de Pedra Contida mais tout aussi talentueux. Ce groupe fait dans
l’improvisation libre plus agitée, tout en maintenant une belle écoute et des
personnalités marquées. “Challenge/Challenges” pétille de truculence. Avec João
Guimarães au saxo alto, Luis Vicente à la trompette, José Michel Pereira à la
contrebasse et le batteur João Pais Filipe.
It’s two in two for Jacc Records
and guitarist Marcel Dos Reis, also featured in this band – another quintet,
but they sound very different from Pedra Contida, though they are just as
talented. This group plays a more agitated form of free improvisation while
maintaining acute listening and nurturing stirking individualities.
“Challenge/Challenges” is truculent and fun. With João Guimarães on alto sax,
Luis Vicente on trumpet, José Michel Pereira on bass, and drummer João Pais
Filipe.
AUDIO ONE / The Midwest School (Audiographic Records)
Voici le frère jumeau d’An International Report (déjà chroniqué). L’autre consistait
en compositions originales de Ken Vandermark (et quelles compos!). Celui-ci
propose des arrangements (par Vandermark) de compositions issues de l’AACM.
Vandermark s’est beaucoup amusé avec ce corpus; il a su en tirer quelque chose
d’à la fois neuf et respectueux. On a au menu deux œuvres de Julius Hemphill,
une de Henry Threadgill, une étonnante lecture de “6C” d’Anthony Braxton et, en
guise de finale, un splendide “Thème de Yoyo”, pièce phare de l’Art Ensemble of
Chicago. L’alignement est le même que sur An International Report,
les musiciens ont beaucoup de place pour se faire valoir. Dans l’ensemble, je
préfère l’autre disque, qui marque une évolution indéniable de Vandermark dans
l’art du grand ensemble, mais celui-ci est fort agréable.
This is the twin brother of An International Report (already reviewed). The other CD consisted of original Ken Vandermark
compositions (and what compositions!). This one features Vandermark-arranged
pieces related to the golden age of the AACM. Vandermark didn’t hesitate to
PLAY with the material, and he draws from it something both new and respectful.
The tracklist includes two pieces by Julius Hemphill, one by Henry Threadgill,
a surprisingly playful take on Anthony Braxton’s “6C,” and a gorgeous “Theme de
Yoyo” – the Art Ensemble of Chicago’s show-stopper. The line-up is the same a
on An International Report, and each musician gets
plenty of room to shine. Overall, I prefer the other CD, as it marks a new step
in Vandermark’s mastery of the large ensemble.