Journal d'écoute / Listening Diary
2010-08-03
CARLA KIHLSTEDT - MATTHIAS BOSSI - SHAHZAD ISMAILY / Causing a Tiger (Disques Victo)
Splendide collaboration entre trois musiciens qui travaillent ensemble depuis longtemps et dans divers alignements (de plus, Kihlstedt et Bossi forment un couple dans la vraie vie). Ce projet est parti d’enregistrements de terrain réalisés en tournée par la violoniste. Ces enregistrements (cloches d’église, chiens, ambiances de rue) sont au cœur des courtes compositions présentées ici, mais ils sont toujours appuyés par une importante partie musicale qui, elle, varie entre le traditionnel est-européen et l’avant-rock pesant. Oui, nous sommes entre l’univers musical des Charming Hostess (ou de Cosa Brava) et celui de Secret Chiefs 3, mais déconstruit, ramené à une instrumentation plus restreinte. L’élément onirique est également très fort et, d’une pièce à l’autre, on vogue d’une narration à un texte évocateur à un enregistrement de terrain qui déclenche un nouveau rêve. Un disque peut-être un peu fourre-tout, un peu éparpillé, mais ça lui réussit bien. Et ça faisait longtemps que Les Disques Victo n’avait pas proposé un disque appartenant au domaine du rock, et un disque en studio de surcroît, alors bravo!
A splendid collaboration between three musicians who have been working together in various groupings for a long time (plus, Kihlstedt and Bossi form a couple in real life). This project spun from field recordings the violinist made while on tour. These recordings (church bells, dogs, street ambiences) are found at the heart of short compositions. These always rely on a strong musical component which varies from East-European folk to heavy avant-rock. Yes, this trio’s soundworld encompasses Charming Hostess (or Cosa Brava) and Secret Chiefs 3, though in a deconstructed form and a stripped-down instrumentation. The dream element is also quite strong. From track to track, we are led through narrations, evocative lyrics, and field recordings that trigger new dreams. This record may be a bit of a hodge-podge, a little scattered, but it wears that well. And it had been a long time since Les Disques Victo’s last rock music proposal - and studio album - so kudos for that.
CICCADA / A Child in the Mirror (Fading Records)
Wow, quel beau disque. Ça faisait longtemps que je n’avais pas autant accroché sur un disque de rock progressif. Ciccada est un quatuor grec qui existe, sous une forme ou une autre, depuis 2005, bien que la formation actuelle se soit concrétisée récemment. A Child in the Mirror est son premier album, paru sur un nouveau subsidiaire de l’étiquette italienne altrOck. Il s’agit d’un rock progressif plutôt symphonique, avec une forte composante pastorale-médiévale. Oui, je sais, certains d’entre vous grincent des dents, mais ce trio accomplit cette recette avec tant de brio et de mesure que le résultat est simplement charmant. La voix d’Evangelia Kozoni y est pour beaucoup, mais les arrangements sont aussi bien fignolés. Et les mélodies, chantées ou instrumentales, ont du corps. Notons la présence de nombreux invités, dont tous les membres (ou presque) de Yugen et Alberto de Grandis, batteur de DFA. A Child in the Mirror a le lyrisme du meilleur néo-prog, dans une facture sonore se rapprochant des Strawbs ou de Renaissance. Très chaudement recommandé. [Ci-dessous: “An Endless Sea”, mp3 offert sur le site d’altrOck.]
Wow, what a fabulous record. It has been a while since I have been moved that much by a progressive rock album. Ciccada is a Greek quartet who have been around, in one form or another, since 2005, although the current line-up gelled only recently. A Child in the Mirror is their debut CD, out on a new sub-label of Italian label altrOck. This progressive rock is rather of the symphonic persuasion, with a strong Medieval/pastoral component. Yeah, I know, some of you are wincing, but this trio applies that recipe with such brio and good taste that the result is simply charming. Evangelia Kozoni’s voice has a lot to do with it, although the arrangements are also quite skillful. And the melodies, either vocal or instrumental, have body. Worth noting among the guest musicians are the whole line-up of Yugen and DFA drummer Alberto de Grandis. A Child in the Mirror has the lyrical power of the best Neo-Prog rolled in a sound palette close to Strawbs or Renaissance. Heartily recommended. [Below: “An Endless Sea”, a free mp3 from the altrOck website.]
http://production.altrock.it/files/endless.mp3
JEAN RENÉ / Fammi (&records)
Alors qu’il a derrière lui de nombreuses années d’une illustre carrière à titre d’instrumentiste en musique actuelle - son alto a accompagné les plus grands de la scène montréalaise, voilà que Jean René ose un premier album à son nom, solo de surcroît. Et bien bravo. De un, il était temps. De deux, c’est excellent. Fammi propose dix compositions, la plupart multipistes, où René joue alto acoustique, alto électrique et guitare électrique. La pièce titre est tout simplement fascinante, ses contrepoints rappelant une méthode baroque mais son harmonie étant résolument contemporaine. On trouve aussi sur ce disque cette forme d’humour musical qui caractérisait la musique actuelle québécoise à ses débuts (des titres comme “La triste vie d’une puce” ou “Le grand boudin” évoquent Les Granules). Pourtant, ce n’est pas la facétie qui l’emporte sur Fammi, c’est l’intelligence et des émotions complexes.
Jean René has a long and illustrious career in avant-garde music behind him. His viola has accompanied near everybody on the Montreal scene. Now, Jean René releases his very first album under his own name, and a solo opus to boot. Well, congratulations. First of all, it was about time! Second of all, it’s an excellent record. Fammi features ten compositions, most of them multitracked, where René plays acoustic and electric viola, plus some electric guitar. The title track is fascinating: its counterpoint brings to mind Bach, while its harmony is resolutely modern. And this record boasts a form of musical humour that once was the trademark of Quebec “musique actuelle” (titles like “La triste vie d’une puce” and “Le grand boudin” evoke Les Granules). Yet, mischieviousness is not the key trait of this record - that would be intelligence and complex emotions.
MECHA FIXES CLOCKS / À l’inattendu les dieux livrent passage (&records)
Première réaction: ENFIN un deuxième album de Mecha Fixes Clocks. Second réaction: Est-ce vraiment Mecha Fixes Clocks? Je m’explique: ce projet de Michel F. Côté est passé à travers de nombreuses (per)mutations depuis ses débuts et son premier disque, éponyme, chez alien8. Ce deuxième disque sonne en fait beaucoup plus près de Les Fleurs de Léo de Bruire, disons, que de Mecha Fixes Clocks. Les pièces allient composition et improvisation en strates superposées, les invités sont nombreux, le ton plutôt irrévérencieux, encore une fois dans l’esprit de la musique actuelle telle qu’Ambiances Magnétiques la présentait dans les années 90. Pas que À l’inattendu les dieux livrent passage soit passéiste, mais c’est un retour à une forme musicale plus… musicale, justement. Beau, aérien, avec deux insertions rigolotes d’airs de Max Steiner et un duo avec Diane Labrosse qui nous ramène presqu’au Duo déconstructiviste.
My first reaction was: FINALLY a second album from Mecha Fixes Clocks. My second reaction: Is this REALLY Mecha Fixes Clocks? Let me explain: this project led by Michel F. Côté (notice the initials) has gone through a few (per)mutations since its beginnings and its eponymous debut released on alien8 recordings. This second album sounds far from that first step. In fact, it sounds closer to Bruire’s Les Fleurs de Léo (another MFC project). The tracks ally composition and improvisation in overlaid stratas, there’s a ton of guest musicians, there’s an irreverent aura about the project, and the album has the feel of a ‘90s Ambiances Magnétiques CD – not that À l’inattendu les dieux livrent passage is backward-looking, but it’s a comeback to a more... musical form of music. Beautiful, aerial, with two Max Steiner tunes funnily inserted, and a duet with Diane Labrosse that almost takes us back to their Duo déconstructiviste CD.
CHRIS WATSON / Cima Verde (Kudos Records)
Paru en 2008, un disque un peu différent pour Chris Watson, maître preneur de son en nature, qui habituellement propose de longues plages sonores. Ce disque offre sept pièces variant entre deux et dix minutes, des ambiances naturelles où la frontière entre son brut et retravail est très mince. Le dialogue entre tourterelle et félin dans “Bucaneve” est génial. Pour le reste, il me faudra lui consacrer une meilleure écoute (sur casque, peut-être?) pour entrer dans cet univers discret.
Released in 2008, a slightly different record for Chris Watson, master field recordist, who usually releases long soundscapes. This CD features seven tracks in the 2-to-10-minute range, natural ambiences where the line between raw recording and creative editing gets very thin. The duet between pigeon and feline in “Bucaneve” is pure genius. For the rest, I’ll have to give this a dedicated listen (on headphones, perhaps?) to fully immerse in this discreet soundworld.
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