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2010-04-22

2010-04-22: Jana Winderen, Roedelius, Rolf Julius, Little Women, Elephant9, Steve Swell

Journal d'écoute / Listening Diary

2010-04-22


JANA WINDEREN / Energy Field (Touch - merci à/thanks to Forced Exposure)

Jana Wanderen poursuit son exploration des profondeurs de l’Arctique à l’aide d’hydrophones. Energy Field propose trois compositions (entre 12 et 20 minutes) faites de superpositions d’enregistrements faits dans la mer de Barents, dans des failles de glacier et sur des banquises. Le vent, les corbeaux, mais surtout l’eau et la vie marine (poissons, crustacés), présentés sous forme de symphonie extraterrestre, les hydrophones utilisés captant parfois les sons d’une manière saugrenue. C’est là tout l’art de Winderen. Si un Chris Watson se limite à couper, superposer et fondre en croisé pour faire passer le temps plus vite, elle n’hésite pas à fausser la perspective, jouer sur la perception, dévoiler en clair pour mieux semer le doute. Univers immersifs... par définition.

Jana Wanderen continues to explore the depths of the Arctic Ocean with her hydrophones. Energy Field features three compositions (between 12 and 20 minutes) made from layers of recordings made in the Barents Sea, in the cracks of glaciers, and on the ice floe. The wind, the ravens, but mostly the water and the sea life (fish, crustaceans) produce a near-extraterrestrial symphony, since the hydrophones she uses occasionally capture sounds in a strange manner. And that’s the art of Winderen. Where Chris Watson limits himself to editing, overlaying and crossfading to compress the time line, Winderen doesn’t hesitate to skew perspectives, play on perception, clearly unveil in order to better instigate doubts. Immersive universes… by definition.


ROEDELIUS / The Diary of the Unforgotten (Selbstportrait VI) (Bureau B) - merci à/thanks to Forced Exposure)

Numéro six dans la série des autoportraits de Roedelius, d’abord paru en 1990 mais réalisé entre 1972 et 1978, et maintenant réédité chez Bureau B. Une série de pièces électroniques mélodiques, tendres, à la frontière du nouvel âge (mais le nouvel âge de l’école franco-allemande, celui de Jarre, d’Edgar Froese et de Popol Vuh). Neuf pièces courtes au synthétiseur, boucles gambadantes, entre gaité et pensivité, plus une longue pièce réflexive au piano, “Hommage à Forst” (24 minutes). Sans prétention, un peu brinquebalant (enregistrement lo-fi, sans aucune superposition, reprise ou retouche), mais touchant.

Number 6 in Roedelius’ series of self-portraits, first released in 1990 but recorded between 1972 and 1978, and now reissued by Bureau B. A series of melodic, sweet electronic pieces on the verge of New Age music (but the French/German school of New Age, the New Age of Jarre, Edgar Froese, and Popol Vuh). Nine short synthesizer pieces, with walloping loops, between joy and thoughtfulness, plus one long reflexive piano piece, “Hommage à Forst” (24 minutes). Pretentiousless, a bit makeshift (lo-fi recording, no overdubs or retakes), a moving record.


ROLF JULIUS / Music for the Ears (Western Vinyl)

Western Vinyl s’embarque dans une série de huit disques intitulée Small Music et consacrée au travail de l’artiste sonore Rolf Julius. Ce premier volume, Music for the Ears, propose deux œuvres de 1979, au tout début de la carrière professionnelle de cet artiste, livrées sans détails ou texte explicatif. “Song from the Past” (29 minutes) est une pièce très douce, gorgée de silence, entrecoupé de gestes doux et lents. Il s’agit peut-être d’une déconstruction d’une vieille chanson, qui sait, mais le résultat est un jeu envoûtant entre son et silence. “Music on Two High Poles” (26 minutes) un long bourdon de cornemuse (ou quelque chose qui imite le son de la cornemuse), jeux de superposition de phases qui deviennent vite lassants. Un point pour, un point contre, donc, mais saluons l’entreprise de Western Vinyl, puisque le meilleur reste à venir.

Western Vinyl is kicking off an eight-volume series entitled “Small Music” and devoted to the works of sound artist Rolf Julius. The first installment, Music for the Ears, features two works from 1979, at the very beginning of the man’s professional career, presented without details or liner notes. “Song from the Past” (29 minutes) is a very quiet, silence-filled track with soft and slow sound actions interspersed. It might be a deconstructed old song, I don’t know, but the result is a bewitching interplay between sound and silence. “Music on Two High Poles” (26 minutes) is a long drone on bagpipes (or something imitating the sound of bagpipes), a game of phase superimpositions that grows tiresome quickly. So one plus, one minus, but I tip my hat to Western Vinyl’s endeavour, knowing that the best is yet to come.


LITTLE WOMEN / Throat (AUM Fidelity - merci à/thanks to improvised communications)

Quel disque impressionnant! J’avais reconnu le nom du saxophoniste Darius Jones (dont le disque en trio Man’ish Boy figurait au top 30 2009 de Délire actuel), alors je m’attendais à de la qualité, mais pas à ce fabuleux pavé dans la mare! Little Women est un quatuor avec Jones et Travis Laplante aux saxos (ténor dans le second cas), Andrew Smiley à la guitare électrique et Jason Nazary à la batterie. Pas de basse, donc, ce qui se sent dans le son du groupe, un peu nasillard et fort en tête. Throat est une suite de 41 minutes en sept parties, une suite free jazz avec des sections très écrites, d’autres très libres, mais peu de choses sont laissées au hasard, du moins à entendre comment elles progressent rondement. À l’ouverture, Throat semble être un hommage au Machine Gun de Peter Brötzmann: thème criard et dissonnant, martelé avec vigueur. Mais des sections plus skronk, thrash même, s’ajoutent, des bouts presque plus tendres aussi, et voilà que Throat se révèle une composition stupéfiante, quelque part entre Brötzmann, The Ex et The Flying Luttenbachers. Ça décape, c’est dément, mais quelle démarche, et quel résultat! Je suis en amour! [Ci-dessous: Un extrait de la première partie et un autre de la deuxième. Vous trouverez d’autres extraits sur le site d’AUM Fidelity.]

What an impressive record! I recognized the name of saxman Darius Jones (his CD Man’ish Boy ended up on Délire Actuel’s 2009 Top 30), so I was expecting quality, but not this stunning scorcher! Little Women are a quartet with Jones and Travis Laplante on saxes (alto and tenor, respectively), Andrew Smiley on electric guitar, and Jason Nazary on drums. No bass, something clearly felt in the band’s sound, a bit whiney and heady. Throat is a 41-minute suite in seven parts, a free jazz suite with written-down sections and freeform bits, but there is little left to chance here, at least judging from how the piece progresses quickly. The opening sounds like a tribute to Peter Brötzmann’s seminal Machine Gun: screaming dissonant theme hammered forcefully. Then, skronk and thrashy sections are added, almost tender bits too, and Throat becomes a tour de force of a composition, somewhere between Brötzmann, The Ex, and The Flying Luttenbachers. It rips, it’s mad, but what artistic vision, and what result! I think I’m in love! [Below: An excerpt from Part 1 and another from Part 2. More excerpts on AUM Fidelity’s website.]

http://www.aumfidelity.com/Excerpts/61/TI-X.mp3

http://www.aumfidelity.com/Excerpts/61/TII-X.mp3


ELEPHANT9 / Walk the Nile (Rune Grammofon)

Le premier disque d’Elephant9 était bien - plus que bien. Mais celui-ci est mieux et plus. Mieux écrit, plus énergique, plus mélodique, mieux agencé. Le trio de Ståle Storløkken gagne en confiance et en dynamique interne. Les riffs d’orgue sont fumants, la section rythmique bouille, mais le tout est contenu dans un format jazz-rock instrumental qui confine à la chanson. On se donne des libertés, on se permet beaucoup d’audace, mais on s’accroche tout de même à la composition, ce qui fait de Walk the Nile une proposition presque aussi accessible que Medeski, Martin & Wood (et plus accessible que, disons, (juste) Claudette). Recommandé aux amateurs de jazz bien poilu. [Écoutez quelques extraits sur leur MySpace (lien ci-dessus). Je vous recommande “Hardcore Orientale” et “Fugl Fønix”.]

Elephant9’s debut CD was good, better than good. But this one’s better and more: better written, more energetic, more melodic, better sequenced. Ståle Storløkken’s trio has gained confidence and internal dynamics. The organ riffs are smoking, the rhythm section is boiling, but the whole thing stays in line with the instrumental jazz-rock format. The musicians are bold and take liberties, but they still stick to compositions, which makes Walk the Nile a proposition almost as listener-friendly as Medeski, Martin & Wood (and more listener-friendly than, say, (juste) Claudette). Recommended to fans of hairy muscle jazz. [Listen to tracks from the album at their MySpace (linked above). I recommend “Hardcore Orientale” and “Fugl Fønix.”]


STEVE SWELL’S SLAMMIN’ THE INFINITE / 5000 Poems (Not Two Records - merci à/thanks to Braithwaite & Katz)

Un quatrième album pour le quintette Slammin’ the Infinite du tromboniste Steve Swell. Avec Swell et le saxophoniste (et clarinettiste, et flûtiste) Sabir Mateen à l’avant-scène, on sait qu’on ne s’ennuira pas. La section rythmique n’est pas toujours à la hauteur (le batteur Klaus Kugel est plutôt quelconque), mais tout de même, il y a du plaisir à avoir sur ce disque de free jazz. Mais c’est un peu long: 77 minutes réparties en sept pièces, la plupart entre 10 et 20 minutes. Swell a composé des thèmes, qu’on abandonne rapidement au profit d’improvisations collectives - tant mieux, les thèmes aussi sont plutôt quelconques. Swell et Mateen brodent des dialogues tendus et efficaces. Bien, mais pas lumineux.

Fourth album for trombonist Steve Swell’s quintet Slammin’ the Infinite. With Swell and saxophonist Sabir Mateen (also on clarinet and flute) on the front line, you know this will be at least interesting. The rhythm section does not always live up to expectations (drummer Klaus Kugel is pretty ordinary), but still, there’s fun ahead on this free jazz record. But it’s long: 77 minutes across seven tracks, most of which are between 10 and 20 minutes in duration. Swell has composed heads, but they’re quickly dropped in favour of collective improvisation – good, they too are pretty ordinary. Swell and Mateen weave some nicely tense and efficient dialogues. Good, fun, not stellar.

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