Portail du journalisme et de l'activisme musical de François Couture.

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2013-08-23

2013-08-22: Sifter, Pedersen/Kerr, Estamos Trio, Klimperei, Tamikrest


Journal d'écoute / Listening Diary 
2013-08-22

SIFTER / Sifter (Relative Pitch Records)
Sifter est un trio avant-jazz composé du cornettiste Kirk Knuffke, de la guitariste Mary Halvorson et du batteur Matt Wilson. Cet album éponyme propose uniquement des compositions, surtout de Knuffke (mais les deux autres en signent aussi), arrangées en suites serrées et riches en rebondissements. Les influences font du country à King Crimson, en passant par le free jazz. Complexe, déroutant, bien écrit. Bravo.
Sifter is an avant-jazz trio consisting of Kirk Knuffke on cornet, Mary Halvorson on guitar, and drummer Matt Wilson. This eponymous CD features only compositions, and mostly by Knuffke (although the other two contribute a couple of pieces), arranged in tight, eventful suites. Influences range from country music to King Crimson and free jazz. Complex, bewildering, well written. Bravo.

CRAIG PEDERSEN & JOEL KERR / It’s a Free Country (Craig Pedersen/Joel Kerr)
Un duo très intéressant entre les Canadiens Craig Pedersen (trompette) et Joel Kerr (contrebasse), autour d’une thématique country. Ils ont choisi un bel amalgame d’airs traditionnels (“Bury Me Not”, “Goodbye Old Paint”) et d’airs plus populaires (“Crazy”, “Blood on the Saddle”) et en font des pièces délicats, émouvantes, qui font ressortir la qualité de leur jeu – celui de Pedersen en particulier, fragile mais bien campé, lyrique à l’occasion. Et la pochette est tout simplement splendide.
A very interesting duo between Canadians Craig Pedersen (trumpet) and Joel Kerr (doublebass), around a country theme. They have selected a fine blend of traditionals (“Bury Me Not,” “Goodbye Old Paint”) and more popular tunes (“Crazy,” “Blood on the Saddle”), and turn them into delicate, moving duets that showcase the quality of their playing – Pedersen’s in particular, well assured by fragile, with bouts of lyricism. And the cover artwork is just gorgeous.

ESTAMOS TRIO / People’s Historiaq (Relative Pitch Records)
Le pianiste Thollem McDonas, la chanteuse Carmina Escobar (aussi aux électroniques et enregistrements de terrain), Milo Tamez à la percussion. Inégal et peu impressionnant. Il y a des moments forts, notamment “Biandakhabo Diako Abaro”, où Escobar vocalise avec la passion d’un Iva Bittova, mais beaucoup de moments faiblards, et des écarts de volume désagréables entre les pièces.
Pianist Thollem McDonas, singer Carmina Escobar (also on electronics and field recordings), Milo Tamez on percussion. Uneven and unimpressive. There are some strong moments, especially “Biandakhabo Diako Abaro,” where Escobar vocalizes with the passion of Iva Bittova, but there’s also a lot of weaker moments, and unexplainable differences in volume between tracks.

KLIMPEREI / IWM (4): Los Paranos (In Poly Sons)
Cette fois, Christophe Petchanatz revisite quelques articles du répertoire des Los Paranos, son projet de la fin des années 70 (pré-Klimperei, donc). Alternances de chansons naïves et pataphysiques, et de courtes instrumentales, le tout livré en mode typiquement klimperéien: avec foisonnement d’instruments jouets et de voix amateures. On est ici encore plus près de l’univers des Pascals qu’à l’habitude, et on se bidonne beaucoup (les textes, souvent d’un ridicule truculent).
This time, Christophe Petchanatz revisits items from the repertoire of Los Paranos, his late-‘70s (pre-Klimperei) project. A blend of naive and pataphysical songs, and short instrumentals, all delivered in typical Klimperei fashion, i.e. with lots of toy instruments and amateur vocals. This album gets even closer to Pascals than usual, and it’s quite a larf for anyone who understands French (the lyrics are often marvelously silly).

TAMIKREST / Chatma (Glitter Beat - merci à/thanks to Forced Exposure)
Troisième album de Tamikrest, le groupe du Touareg Ousmane Ag Mossa. Chansons d’inspiration à la fois traditionnelle et moderne, avec une touche psychédélique (“Assikal”), portant sur le thème de la femme – “Chatma” signifiant “sœurs”. Belle facture sonore, chansons languissantes, vers d’oreille. Entre Tinariwen et Tamikrest, mon cœur penche pour le second, mais les fans des deux trouveront leur compte dans cette nouvelle galette. Attention: ce disque sortira à la mi-septembre. [Ci-dessous: “Imanin bas zihoun”, le premier extrait de l’album.]
Third album by Tamikrest, the band of Tuareg singer-songwriter Ousmane Ag Mossa. Songs of both traditional and modern inspiration, with a psychedelic touch (“Assikal”), all revolving around one main theme: “sisters” (the meaning of the title “chatma”). Nice production, languid songs, earworms guaranteed. Between Tinariwen and Tamikrest, my heart leans toward the latter, but fans of both will be pleased with this new opus. Note: to be released in mid-September.  [Below: “Imanin bas zihoun”, the first single from this upcoming album.]

2013-08-22

2013-08-21: Gilbert/BAW, Vainio/Nordwall, SoCorpo, Klimperei



2013-08-21

BRUCE GILBERT & BAW / Diluvial (Touch - merci à/thanks to Dense Promotion)
Collaboration sur le thème de la hausse du niveau des océans, entre Bruce Gilbert (Wire, Dome) et le duo Beaconsfield ArtWorks (David Crawforth et Naomi Siderfin). 73 minutes de paysages sonores sombres, parfois menaçants. Courbe d’écoute bien maîtrisée, belle profondeur, musique totalement immersive (sans jeu de mots). Il est rare que Gilbert s’avance aussi loin dans l’électronique expérimentale ambiante, et c’est réussi.
A collaboration on the theme of rising sea levels, between Bruce Gilbert (Wire, Dome) and the duo Beaconsfield ArtWorks (David Crawforth and Naomi Siderfin). 73 minutes of dark, occasionally menacing soundscapes. Well-mastered listening curve, nice depth, totally immersive music (and it is NOT a play on words). Gilbert has rarely gone this far into experimental ambient electronic music, and it is a successful foray.

MIKA VAINIO & JOACHIM NORDWALL / Monstrance (Touch - merci à/thanks to Dense Promotion)
Plus électrique qu’électronique, cette première collaboration entre Mika Vainio (Pan Sonic, Ø) et Joachim Nordwall (iDEAL Recordings). Plus “drone” aussi, avec ici et là une basse électrique ou un pédalier d’orgue, une guitare électrique aussi. Cela dit, certaines pièces abandonnent complètement cette pesanteur pour se concentrer sur des sonorités délicates, objets amplifiés au point de générer un larsen savamment contrôlé. Pas une écoute facile, moins même que Diluvial (ci-dessus), mais une belle recherche sonore et un “pacing” lent mais soutenu.
More electric than electronic, this first collaboration between Mika Vainio (Pan Soni, Ø) and Joachim Nordwall (iDEAL Recordings). More drone-like too, with an electric bass or organ pedals rumbling here and there, an electric guitar too. That said, some tracks loose that heaviness entirely to focus on delicate sonorities, like objects amplified to the point of slightly feedbacking. This is not an easy listen, even less so than Diluvial (see above), but there’s fine sound research herein, and the pacing is slow but well maintained.

SOCORPO / Inelement (Ears Wide Open Records - merci à/thanks to )
SoCorpo est un duo de chanteurs: Sasha Bogdanowitsch et Sabrina Lastman. Ils s’accompagnent à l’autoharp, au psaltérion et au mbira. Ils chantent dans une langue inventée et utilisent aussi le multipistage et la mise en boucle. Le tout donne une musique aérienne, très agréable, quelque part entre Minimum Vital et Enya. Très belles voix, harmonies audacieuses à l’occasion, arrangements qui s’éloignent parfois de la mélodie pour aborder l’univers de la texture et du bruitisme. Ne vous laissez pas arrêter par certains aspects nouvel-âgeux (comme la pochette ou l’évocation des cinq éléments), c’est une belle découverte.
SoCorpo is a duo of singers: Sasha Bogdanowitsch and Sabrina Lastman. They accompany themselves with autoharp, bowed psaltery, and mbira. They sign in a made-up language and also use multitracking and looping. Their music is aerial, quite enjoyable, somewhere between Minimum Vital and Enya. Beautiful voices, occasionally bold harmonies, arrangements that will at times sidestep melody in favour of noise-based textures. Don’t let the new-agey aspects (the artwork, the evocation of the five elements) stop you from discovering Inelement.

KLIMPEREI / IWM (3): Recyclages (In Poly Sons)
Troisième volet de la série Improvisation with Myself, parue ces dernières années et rassemblée récemment en coffret chez In Poly Sons. Wow. Je ne suis pas quoi (ou qui? il y a des dédicaces...) on recycle ici, mais c’est de qualité. M. Petchanatz penche vers la forme longue sur ce disque, une rareté. Quatre pièces dans les 7 à 11 minutes, plus six pièces courtes. La suite “Les Zalfreds” totalise 33 minutes en cinq parties, du jamais vu (pour moi) dans l’œuvre de Klimperei. Et ces longueurs ne sont pas longues, tenez-vous-le pour dit. “Les Zalfreds” enchaînent les variations avec vigueur, l’instrumentation change constamment, c’est le bonheur. Idem dans “Banda i Banda” et “Utoupie”. Les mélodies enfantines de Petchanatz peuvent paraître faciles parfois, mais pas sur ce disque, où son écriture foisonne et prend des proportions épiques.  [Ci-dessous: la première partie des “Zalfreds”.]
Third installment in the Improvisation with Myself series, released in the course of the past few years and recently collected as a box set by In Poly Sons. Wow. I don’t know what (or who? there are dedications...) is being recycled here, but it’s quality material. Mr. Petchanatz tends toward long-form composition here, a rare feat. Four pieces in the 7-11 minute range, plus six shorter ones. The suite “Les Zalfreds” totals 33 minutes across five parts, something I have never encountered before in Klimperei’s discography. And these lengthy tracks aren’t lengthy at all! In “Les Zalfreds”, variations pile up at a sharp pace, with ever-changing instrumentations, pure joy. Same with “Banda i Banda” and “Utoupie.” Petchanatz’s childlike melodies may seem like easy fare at times, but not here, where his songwriting expands, stretches out, and reaches epic proportions.  [Below: “Les Zalfred, Part 1.”]

2013-08-21

2013-08-20: Oh, Yoko, Pure, HATI/Z'EV, Hoofus


Journal d'écoute / Listening Diary 
2013-08-20

OH, YOKO / I Love You... (Normal Cookie - merci à/thanks to Dense Promotion)
Très beau début de journée, avec la pop ambiante japonaise de Oh, Yoko, un duo composé de Rie Mitsutake (Miko) et Will Long (Celer). I Love You, leur premier disque, atteste d’une très belle fusion des univers sonores de ces deux artistes. Les mélodies naïves, la voix frêle, les rythmes mal équarris et les petits instruments de Miko; les électroniques délicates et les sons ambiants de Celer. Quatorze chansons, surtout dans les quatre minutes, qui s’écoutent comme dans un rêve.  [Ci-dessous: Écoutez quatre chansons sur bandcamp.]
Very fine album to kick off this morning, with the Japanese ambient pop of Oh, Yoko, a duo consisting of Rie Mitsutake (Miko) and Will Long (Celer). I Love You, their debut album, shows a deep intermingling of their respective soundworlds: the naive melodies, fragile voice, askew beats and small instruments of Miko; the delicate electronics and ambient sounds of Celer. Fourteen songs, mostly in the four-minute range, that float by like a dream.  [Below: Listen to four songs via bandcamp.]

PURE / No End of Vinyl (Crónica - merci à/thanks to Dense Promotion)
Ce disque frais paru propose dix réinterprétations du mini-album the.end.of.vinyl de Pure, un des premiers disques à avoir établi l’esthétique glitch de l’étiquette Mego, en 1999. Y participent le cofondateur de Mego, Pita, ainsi que @c, Cindytalk et Arturas Bumsteinas, entre autres “remixeurs”. Évidemment, Pure avait tort à l’époque, d’où ce titre révisé et ces réinterprétations qui, sans aller dans tous les sens, proposent tout de même une vaste gamme de “mises à jour”. Puisque l’ère glitch est tout de même loin derrière nous.
This fresh-out record features ten reinterpretations of Pure’s the.end.of.vinyl EP, one of the first records to establish the glitch sound of the label Mego. “Remixers” include Mego cofounder Pita, and also a@, Cindytalk, and Arturas Bumsteinas, among others. Of course, Pure was wrong back then, hence the revised title and these reinterpretations that provide wide-ranging “updates”. After all, the glitch era is behind us now.

HATI & Z’EV / Collusion (Idiosyncratics - merci à/thanks to Dense Promotion)
Une première collaboration sur disque entre le duo de percussionnistes polonais HATI et le sculpteur sonore/artiste conceptuel Z’EV. Belle richesse de sonorités au fil de ces 36 minutes de musique: rythmes, entrelacs de pulsions et de remous, fluidité des mouvements et des idées, un élan atavistique qui retourne aux fondements du son : sa résonance.  [Ci-dessous: Deux des cinq mouvements sont en écoute sur soundcloud.]
Another collaboration betwee Polis percussion duo HATI and sound sculptor/conceptual artist Z’EV. Rich sonorities unfold through these 36 minutes of music: rhythms, interlaced pulses and turbulences, fluidity of movements and ideas, an atavistic drive that goes back to the roots of sound: its resonance.  [Below: Listen to two of the album’s five movements on soundcloud.]

HOOFUS / Several Wolves (Exotic Pylon - merci à/thanks to Dense Promotion)
Très courtes pièces de synthétiseur traité, possiblement à l’aide de pédales analogiques, pour rendre les sons distortionnés, parfois flous, désaccordés. J’entends de la microtonalité, de l’obfuscation (fait penser à Koji Asano en ce sens), mais surtout des improvisations quasi mélodiques, profondément traitées, avec une aura analogique. Et en cela, Hoofus se rapproche beaucoup de Oneohtrix Point Never. Intéressant à petites doses, les doses sont vraiment petites: 20 pièces en 35 minutes.
Very short tracks of treated synthesizer – probably with analog pedals – sounds are distorted, fuzzy, detuned. I hear microtonality and obfuscation here (makes me think of Koji Asano at times), but mostly near-melodious improvisations that are deeply treated and bear an analog aura. And in that regard, Hoofus gets very close to Oneohtrix Point Never. Interesting in small doses, and doses are truly small: 20 tracks in 35 minutes.